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Le Festival dans les mots de Élise Poulin

Le Festival dans les mots de Chloé Dumoulin
Enfin le Festival, enfin Lanaudière! C’est la première fois depuis 2019 – depuis ma saison inaugurale – que nous vous présentons à nouveau un festival d’envergure véritablement internationale, fidèle à la vision de Fernand Lindsay et aux ambitions de rayonnement et d’enracinement qui sont les nôtres. Néanmoins, le monde autour de nous n’est plus tout à fait le même : pendant presque deux ans, la musique s’est tue, nos mouvements furent contraints comme jamais auparavant, donnant aux idées de liberté et de solidarité une immédiateté, une urgence nouvelle – et, au moment d’écrire ces lignes, l’équilibre pacifique de l’Europe est rompu, achevant d’effriter des certitudes bien ancrées, un peu partout sur la planète.
Dans ce monde en bouleversement, la musique est un refuge d’humanité. Elle est le canal d’un fantastique dialogue avec le monde et avec soi-même, les compositeurs et leurs œuvres agissant comme artefacts ou témoins d’un passé qui vient éclairer le présent. Elle est une source inextinguible à laquelle s’abreuver ; elle est transmission et continuité historique.
L’Orchestre symphonique de Montréal et son nouveau directeur musical, Rafael Payare, inaugurent notre 45e édition par un doublé fabuleux, entre romantisme tardif et impressionnisme débridé, alors que la force du mythe et de la légende anime leur ultime concert lanaudois de l’été. Si Prométhée, puni pour avoir dérobé aux dieux le feu de la connaissance pose la question, brûlante d’actualité, de notre rapport au progrès technologique – que l’on pense seulement au développement fulgurant de l’intelligence artificielle – Daphnis et Chloé nous renvoient l’image d’une véritable « société du loisir », insouciante et hédoniste.
Yannick Nézet-Séguin poursuit quant à lui une trajectoire stellaire, dont on peine à imaginer les prochains sommets. Rendez-vous lyrique incontournable, c’est toute la puissance tragique de Wagner qu’il restitue, à la tête de l’Orchestre Métropolitain et d’une distribution vocale de classe mondiale, avant de retrouver la sublime Hélène Grimaud qui elle s’arrête chez nous pour la première fois.
La question de notre rapport à la Nature est le second fil rouge qui parcourt cette saison. À l’heure où le monde est consterné par la destruction de l’environnement et la menace des changements climatiques, le Catalogue d’oiseaux d’Olivier Messiaen s’impose comme une musique sanctuaire et trouve résonance auprès d’un public toujours élargi. Deux siècles plus tôt, George Frideric Handel aurait pu rêver de notre Amphithéâtre pour y présenter son ode pastorale L’Allegro, il Penseroso ed il Moderato, d’après John Milton – chef-d’œuvre qui nous renseigne sur la « vie bonne », sur la sagesse, au sens des anciens philosophes. Ce sera enfin l’occasion, deux fois reportée, des débuts chez nous de William Christie et des Arts Florissants, événement suprême d’un été qui en compte plusieurs.
Dans le même esprit, l’éternel message humaniste de Beethoven est encore à l’honneur au Festival cette année, notamment lors de trois concerts exceptionnels de l’Akademie für Alte Musik Berlin, l’un des orchestres allemands les plus en demande dans le monde, en exclusivité nord-américaine. Puis, il y a la jouissance simple des retrouvailles et des nouvelles amitiés : que ce soit Bernard Labadie et les Violons du Roy, Marc-André Hamelin et Charles Richard-Hamelin, Hilary Hahn, Alisa Weilerstein, Jean-Yves Thibaudet, Samy Moussa, Inon Barnatan, Michael Spyres et Lawrence Brownlee, Matthias Goerne et Alexandre Kantorow…sans oublier Canadian Brass ou l’Orchestre symphonique des jeunes de Joliette, tous et toutes sont au rendez-vous.
L’histoire est une école de liberté, aurait dit Marguerite Yourcenar. Comme les notes de la gamme, le matériau brut est toujours le même, mais les possibilités de recomposition sont infinies. On ne se retrouve pas soi-même dans les oeuvres, mais bien une réflexion des mêmes problèmes humains, et des solutions apportées ou tentées par nos prédécesseurs.
Notre Festival est un plaidoyer pour la musique vivante, pour le plaisir et la chaleur humaine, pour la sensualité, pour la lucidité, et contre l’inertie. Il est un plaidoyer pour une renaissance à travers la culture et la beauté, pour une résurgence des valeurs de dignité et de bienveillance à travers l’intemporel. Si l’évolution inédite que traverse le monde bouleverse les rapports de force et change les modes de perception, la musique demeure un extraordinaire havre d’authenticité. Artistes et artisans, nous vous convions à prendre place dans cette constellation unique, animés tel que nous le sommes par la conviction aussi absolue qu’inébranlable que la paix est possible.
Bon Festival !
Renaud Loranger, directeur artistique