La musique est le miroir de la vie
Nous voici à l’orée d’une nouvelle saison lanaudoise, exaltés par la jouissance des libertés retrouvées, grisés par la chaleur de nouvelles rencontres, habités du vertige provoqué par le retour à une existence de possibilité et de plénitude. Mais sommes-nous vraiment les mêmes qu’il y a trois ans ? Poser la question, c’est y répondre : au rythme effréné du monde et s’accélérant sans cesse, à la persistance des incertitudes et au délitement de tant de nos habitudes s’oppose un profond besoin d’enracinement et d’authenticité. Notre édition 2023, forte de contrastes, propose des repères, avance des pistes pour accompagner cette quête.
Premier temps fort d’un été qui en promet plusieurs, la Neuvième de Beethoven, irrésistible plaidoyer pour le vivre-ensemble confié à Rafael Payare et l’Orchestre symphonique de Montréal, résonne à l’Amphithéâtre pour la première fois depuis 2007 – œuvre-phare dont l’Ode à la joie nous adresse une imprécation immédiate, une profession de foi presque violente envers l’humanité entière : que tous travaillent à la fraternité et la paix !
Rachmaninov, dont le 150e anniversaire de naissance appelle un dialogue renouvelé avec sa musique, est l’une des deux figures tutélaires de la saison avec Monteverdi, magnifié quant à lui par Leonardo Garcia Alarcón et sa Cappella Mediterranea dans leurs débuts chez nous. Entre la démesure du premier, son romantisme exacerbé, presque anachronique, incarné par Denis Kozhukhin et Marc-André Hamelin dans deux de ses vertigineux concertos pour piano, et l’ascèse du second, le renoncement forcé d’Orphée et les leçons d’un mythe impérissable – avant tout celle de la finitude de la vie – c’est l’Artiste éternel qui apparaît ; c’est chacun et chacune d’entre nous, créateur et recréateur perpétuel de son propre destin. Berlioz et l’hubris de sa Symphonie fantastique, défendue par les jeunes prodiges du National Youth Orchestra of the USA et Sir Andrew Davis ; Richard Strauss et sa Symphonie alpestre, grandiose acte de communion avec la Nature, rendue par le Métropolitain et Yannick Nézet-Séguin ; Tchaïkovski et sa bouleversante Pathétique, Stravinsky et la magie de son Oiseau de feu, Chopin et son irrésistible don mélodique… tous portent une part de nous-mêmes en eux. Tous sont miroir de la vie.
Entre deux extrêmes, un moyen terme qu’Alfred Brendel nomme « l’envers du sublime » : l’humour, transcendant chez Haydn, auquel Jonathan Cohen et Les Violons du Roy accompagnés de la trompettiste Lucienne Renaudin Vary consacrent leur unique concert ; spirituel, voire facétieux chez Haendel, terrain de prédilection pour William Christie et les Arts Florissants, de retour parmi nous après leurs triomphes de l’année dernière.
Comme toujours, le Festival s’enorgueillit de retrouvailles avec certains des plus grands artistes de notre époque, que l’on pense seulement à l’immense Karen Cargill, à Angela Hewitt ou encore à Seong-Jin Cho. Cet été, la famille lanaudoise s’enrichit de nombreux nouveaux membres, notamment Richard Galliano, Gil Shaham, le Quatuor Calder et Xavier de Maistre, en plus de revoir des parents un certain temps éloignés, au premier chef desquels les Grands Ballets, ainsi que Kiya Tabassian et son ensemble Constantinople.
Cette communauté unique, cette famille élargie ne prend son sens que par et pour vous, son public. Dans un monde en recomposition, puissions-nous toujours nous réunir autour des valeurs qui nous animent, mus par l’empathie et animés de l’urgence de vivre.
Bon Festival !